mercredi 4 novembre 2009

Un voyage initiatique

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On ne part pas en quête de lieux mystiques comme on part à la chasse au sanglier. Dans le cas de la chasse, la volonté guide l’homme. Il traque, il suit des traces, parcourt taillis et bosquets, le nez sur le sentier et l’esprit obnubilé par le désir d’abattre enfin sa proie.
Les lieux mystiques ne se déplacent pas, ne vous fuient pas. Nul besoin de leur courir après, et nul trophée visible à se mettre sous la dent, une fois la quête achevée.
Les lieux sacrés vous appellent à eux.
Ce n’est plus votre volonté qui vous guide, lorsque vous vous en approchez, mais un appel mystérieux qui prend sa source tout au fond de votre âme. Car les lieux mystiques que l’auteur révèle dans les pages de ce livre ne font que vous renvoyer à vous-même, à ce silence intérieur qui n’est déjà plus humain, puisqu’il aspire à la divinité. C’est « l’espace intérieur du monde » qui se révèle à vous, comme Rilke l’a si bien écrit.
Slobodan Despot, l’auteur de ces vingt-cinq évocations de hauts lieux mystiques émaillant le Vieux Pays possède cette rare réceptivité, cette sensibilité qui permet de trouver les endroits qui comptent, ceux qui inspirent l’âme et remplissent le cœur. Il a fallu que ce soit lui, l’orthodoxe, l’explorateur venu de l’est qui nous révèle nos propres trésors mystiques, ces joyaux que nous négligeons depuis trop longtemps. Car Slobodan Despot, quoique venant d’une autre tradition, n’est pas un doctrinaire, il n’est pas de ceux qui limitent la spiritualité à une expression, une école, un dogme. Il sait, au contraire, que le vrai mystique atteint à l’universel, quel qu’ait été son point de départ, et que dans l’universel, tous les contraires se confondent pour ne plus faire qu’un.
En lisant ces textes, vous serez transporté hors du temps, presque hors de l’espace, et pleurerez comme moi en contemplant les cubes géométriques de Wissigen depuis la quiétude ombragée de l’ermitage de Longeborgne. Peut-être trouverez-vous ensuite quelque consolation devant la pure contradiction des roses ornant le tombeau de Rilke et le repos de l’âme dans le silence voûté de l’église de Saint-Pierre de Clages.
C’est un voyage initiatique qui vous attend, une quête infinie, et non pas le brave déroulement de vingt-cinq itinéraires gentillets se terminant par une inévitable grillade de cervelas. Slobodan Despot ne s’est pas contenté de rédiger un guide pour touristes curieux, un de ces modes d’emploi passe-partout, pratiques et prosaïques, usant d’un vocabulaire entendu.
S’il avait commis cela, il n’eut pondu qu’un énième chapelet de clichés reliés par l’ennui.
Or — et vous le constaterez en parcourant ce livre — son ambition était bien plus grande. De sa plume de poète, il a fait surgir des images, des couleurs, des senteurs, des ambiances et des réflexions qui, inévitablement, vous laisseront tantôt songeurs, tantôt charmés, souvent émerveillés.
Car Slobodan Despot est de la race des seigneurs de l’écriture, la plume qu’il tient est celle de l’aigle, le regard qu’il porte au monde, celui du cœur.
Non, ce livre n’est pas un stupide guide touristique, vous tenez entre vos mains une œuvre littéraire extraordinaire, unique, où tout au long de vingt-cinq évocations poétiques d’une exceptionnelle qualité, le lecteur est amené à confronter le monde trop lisse, trop rapide, trop volatil, dans lequel il vit et se perd, à l’immuable.
Plongez-vous dans ce livre et c’est un vent d’éternité qui tournera les pages, c’est un souffle d’outre-monde qui vous révélera ce qui est enfoui au fond de vous-mêmes et aspire à naître à la lumière.

Oskar Freysinger



(Présentation du livre lors de la soirée de lancement du 3 novembre 2009 à Sion.)

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